Lutte contre le tabagisme : la France toujours réticente à la réduction des risques

Si plusieurs pays intègrent les produits nicotiniques alternatifs dans leur stratégie de lutte contre le tabagisme la France reste fidèle à une approche fondée sur les restrictions et les interdictions. […]

Mis à jour le : 30 juin 2025

Si plusieurs pays intègrent les produits nicotiniques alternatifs dans leur stratégie de lutte contre le tabagisme, la France reste fidèle à une approche fondée sur les restrictions et les interdictions. Une position qui suscite interrogations et critiques.

Dans la lutte contre le tabac, la France persiste à suivre une ligne stricte, centrée sur la dissuasion. Taxation élevée, interdictions croissantes: ces outils constituent l’essentiel de la politique publique en matière de tabagisme. En revanche, la réduction des risques – stratégie adoptée dans d’autres domaines de santé publique – peine à trouver sa place.

Le principe est pourtant simple : proposer à ceux qui n’arrêtent pas de consommer de nicotine des produits alternatifs, moins nocifs que la cigarette. C’est le cas notamment des cigarettes électroniques, ou des sachets de nicotine, appelés pouches. Ces dispositifs ne sont pas sans risques, mais les études convergent : ils sont significativement moins dangereux que le tabac fumé.

Pourtant, en France, ces produits sont majoritairement perçus comme une menace plutôt qu’un levier de réduction du tabagisme. La cigarette électronique, bien qu’utilisée par des millions de personnes, n’a jamais été pleinement intégrée à la stratégie nationale. Quant aux pouches, leur interdiction est aujourd’hui envisagée, sans qu’un débat public ou une évaluation scientifique approfondie n’ait été menée.

La France adopte une posture à contre-courant des pratiques internationales

À l’étranger, plusieurs pays ont fait des choix très différents. Le Royaume-Uni encourage l’usage de la e-cigarette pour les fumeurs souhaitant arrêter. En Suède, le recours au pouches notamment a permis de faire chuter le taux de tabagisme au niveau plus bas d’Europe. En Norvège, les nouveaux produits nicotiniques sont intégrés dans les politiques de santé publique. Ces pays ne banalisent pas l’usage de nicotine, mais cherchent à limiter les dommages causés par les produits les plus dangereux.

La France, elle, reste sur une ligne de principe. Toute consommation de nicotine est considérée comme problématique, quels que soient les outils employés. Une position qui étonne, notamment au regard de l’expérience française en matière de réduction des risques dans d’autres domaines : distribution de seringues stériles, traitement de substitution pour les usagers de drogues, salles de consommation à moindre risque… Ces dispositifs ont démontré leur efficacité et sont désormais admis dans les politiques publiques.

Une contradiction difficile à justifier

Cette différence de traitement entre les substances soulève des questions. D’autant plus que la cigarette reste en vente libre, bien qu’elle soit responsable de plus de 75 000 décès chaque année dans le pays. Interdire ou marginaliser des produits moins nocifs tout en laissant largement accessibles les plus dangereux crée une forme de paradoxe, souvent pointée du doigt par les spécialistes.

De nombreux professionnels de santé, notamment en addictologie, estiment que les produits alternatifs peuvent jouer un rôle utile pour les fumeurs les plus dépendants. Certains patients, disent-ils, parviennent à réduire ou arrêter leur consommation de tabac grâce à ces dispositifs. Mais en l’absence de soutien clair de la part des autorités, ces stratégies restent fragiles et peu valorisées.

Le débat est encore largement absent

Pour ses défenseurs, la réduction des risques ne s’oppose pas à la prévention : elle en constitue un complément. Elle ne vise pas à encourager la consommation de nicotine, mais à proposer des solutions réalistes à ceux qui n’arrivent pas à arrêter. De plus, une politique uniquement fondée sur l’interdiction ne suffit pas toujours à faire reculer un comportement ancré, notamment dans les publics précaires ou très dépendants.

Le sujet reste pourtant peu débattu en France. Les produits alternatifs sont souvent abordés sous l’angle du risque, notamment pour les jeunes, sans réelle réflexion sur leur utilité potentielle dans une stratégie globale. Ce manque de nuance alimente la défiance, y compris chez certains usagers, qui ne se reconnaissent pas dans un discours jugé rigide ou culpabilisant.

Vers une évolution des positions ?

Certains signaux laissent penser qu’un changement est possible. Des institutions commencent à s’intéresser aux données disponibles sur la réduction des risques. Des chercheurs appellent à davantage d’études, à une évaluation rigoureuse des produits en circulation, et à une information plus claire à destination du public.

Mais pour l’instant, la ligne officielle reste prudente, voire réticente. La France semble vouloir éviter toute ambiguïté sur la dangerosité de la nicotine, quitte à exclure des outils qui, dans d’autres contextes, ont montré leur utilité.

Face à un tabagisme encore élevé, notamment chez les jeunes adultes et les populations défavorisées, certains plaident pour une approche plus diversifiée. Sans renoncer à la prévention, il s’agirait de proposer aux fumeurs un éventail de solutions, mieux encadrées, plus transparentes, et adaptées à différents profils. Une manière, peut-être, de rattraper le retard accumulé dans un domaine où l’enjeu de santé publique reste majeur.

OSDT.

Ecrit par : Viviane
Publié le lundi 30 juin 2025


Passionnée par le fonctionnement du corps humain, Viviane est attachée à nous guider pour trouver la source de nos maux.